La Revue Masques - Historique -

 

De Masques à Persona (1979-1986)

 

Les débuts : 1979-80  (numéros 1 à 8)


Le  numéro 2 était encore très autocentré sur les préoccupations du groupe fondateur, comme en témoigne le Dossier «Identité », et victime sans doute de l’activisme déployé  après la sortie du numéro1 : la diffusion était encore militante, un diffuseur professionnel « Alternative et parallèle » n’apparut qu’avec le N° 3. La revue n’avait ni locaux ni adresse propre : la librairie Anima, rue Ravignan, recevant le courrier jusqu’à l’ouverture d’une BP avec le numéro7  (hiver 80/81). Evidemment tous les collaborateurs étaient bénévoles, aucun article ou contribution ne fut rétribué, seuls les droits photographiques furent acquittés, les voyages  jamais remboursés : malgré son succès, Masques ne réussit jamais à salarier un quelconque collaborateur. Une deuxième fête, au Palais des Arts, le 23 février 80 (avec Catherine Ribeiro, Marie-France, Les Pédalos et le film de Philippe Valois, Les Phalènes) bien que victime de l’attaque d’un commando d’extrême droite (?) fut de nouveau un succès et améliora, malgré le vol d’une partie de la recette, la trésorerie ! Cette grande pauvreté eut des conséquences fâcheuses : L’abondance de coquilles et erreurs diverses dans les textes, un grand nombre de lettres de lecteurs restaient sans réponse, certaines demandes d’abonnement sans suite etc.… La situation matérielle s’améliora toutefois avec la création de Persona en avril 1981: les membres salariés de l’entreprise travaillant également pour Masques qui bénéficia aussi de ses locaux. Enfin, en avril 1980, une délégation de Masques participe, à Barcelone, à la 2° conférence internationale de l’IGA ( International Gay Association). Masques, Gai-Pied et Ilia représentent la France au sein de l’association de la presse gaie internationale. En mai 1980, JP Joecker tente d’alerter l’opinion française sur le sort des homosexuels cubains, qualifiés par le régime de « gusanos » (vers de terre) et dont plusieurs milliers, réfugiés à Port Mariel, tentent de fuir la dictature castriste. Seul, Jean François Kahn acceptera de publier cette tribune libre dans Les Nouvelles littéraires… Quant au Cuarh, il refusa de s’engager ! Ce refus sera vigoureusement dénoncé dans une tribune signée par J M Combettes, J P Joecker et A Sanzio, publiée dans le N° 5 de Masques, à laquelle J Boyer répond dans un article intitulé « Que doit faire le Cuarh ? » Dans ce même numéro 5 A Sanzio dénonçait le silence complice sur la situation à Cuba. Enfin Masques (N°7 hiver80/81) signera et publiera

la pétition du Cuarh contre les lois discriminatoires en octobre 1980.
Les numéros suivants témoignent du dynamisme de la revue et de son attractivité. Le noyau initial, majoritairement issu de la Ligue communiste révolutionnaire, s’élargit et s’ouvre à des influences différentes,  parfois sans rapport avec le militantisme politique ou homosexuel ; des signatures nouvelles en témoignent : Roger Leducq,  Nella Nobili, Michèle Ouerd, Alain Vaudran etc.…  A côté de ces inconnu/es Masques accueille aussi de nombreux acteurs reconnus du militantisme gai ce qui contribuera à l’éloigner de ses origines trotskystes : après A Baudry, D Guérin et G Hocquenghem dans le numéro 1, on  trouve dans le numéro 2 Dennis Altman, auteur de « Homosexuel(le), oppression ou libération » chez Fayard, dans le numéro   3 Alain Emmanuel Dreuilhe qui vient de publier « La société invertie » chez Flammarion, première étude sur la communauté gaie de San Francisco, dans le  numéro 4 Pierre Hahn auteur de « Nos ancêtres les pervers » chez Olivier Orban 1979, mais aussi Claude Courouve, fondateur du CIDH (centre d’information et documentation sur l’homosexualité), dans le numéro 6 Georges-Michel Sarotte, alors professeur d’université à Boston, dont l’ouvrage  « Comme un frère, comme un amant » (Flammarion 1976) étudie le thème de l’homosexualité masculine dans la littérature américaine de 1850 à nos jours. Dans le N° 5 Michèle Causse donne des bonnes feuilles d’un ouvrage à paraître sur Nathalie Barney (éditions Tierce). De nouvelles signatures apparaissent apportant plus ou moins régulièrement leur contribution à la revue et contribuant ainsi à son enrichissement : Carlos Bonfil, Charles Dupéchez, Olivier Mauraisin, Daniel Mauroc, Martin Melkonian, Philippe Mikriammos, Benoit Lapouge et Jean-Luc Pinard-Legris, Bernadette Stanwick.

Masques réussit également à attirer des noms célèbres voire prestigieux qui contribueront à établir sa crédibilité, auprès d’un public bien plus large que celui de la militance gaie, ainsi qu’auprès des libraires ! Pour ces créateurs, Masques permettait d’atteindre le public gai dans un media de bonne réputation qui évitait certaines provocations jugées parfois outrancières. Masques était un lieu chic et soft ! Il demeure que le soutien de personnalités aussi diverses que Jean Marais qui envoya un chèque pour un abonnement (!) ou Simone de Beauvoir fut précieux. Dès le numéro 2 Yves Navarre donne des bonnes feuilles du «  Temps voulu », Dominique Fernandez un article intitulé «  Deux repères pour une histoire de la culture homosexuelle en Italie », Conrad Detrez un long entretien, Jocelyne François un texte original intitulé « Du pouvoir ». Dans le numéro 3 figure un article inédit de Tony Duvert « Narcisse » et D. Fernandez commente l’émission de télévision du 5 novembre 79 sur A2 «  Ces hommes qui s’aiment » à laquelle il a participé. Dans le 5 Conrad Detrez  présente le peintre colombien Luis Caballero et Denys Buquet s’entretient avec Quentin Bell, fils de Vanessa Bell et  biographe de V. Woolf. Dans le N°6, le  Dossier USA publie, entre autres, des bonnes feuilles de Rush de John Rechy et un entretien avec son auteur, et une interview d’Andrew Holleran, auteur du Danseur de Manhattan, réalisée par A.E. Dreuilhe. Le numéro 7 consacre cette période faste et arbore fièrement un bandeau de couverture :


Texte et rencontre avec Jocelyne François PRIX FEMINA 1980
Création littéraire par Yves Navarre PRIX GONCOURT 1980


Nos deux amis venaient, à notre grande joie, d’être couronnés, et, coïncidence heureuse ou fruit de deux années de travail, le dossier central était consacré à «Homosexualités et création littéraire » avec les contributions de : Renaud Camus, Conrad Detrez, Françoise d’Eaubonne, Dominique Fernandez, Jocelyne François, Yves Navarre, Nella Nobili, Geneviève Pastre et Michel Tournier. Ce thème ayant fait l’objet d’un colloque au Centre Beaubourg le 24 avril 1980… Par ailleurs ce N°7 contenait un entretien avec Gore Vidal réalisé par Philippe Mikriammos. Les deux prix furent l’occasion d’une réception aux Mots à la bouche le dimanche 7 décembre… La librairie s’avéra bien trop petite pour accueillir les 300 personnes présentes ! Alors même qu’elle n’avait pas encore fêté son deuxième anniversaire, la revue Masques connaissait une éclatante réussite. Mais déjà d’autres défis se profilaient quelques mois avant une élection présidentielle qui paraissait bien mal engagée…